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Le droit de réserve, de neutralité et de loyauté des agents de la fonction publique : peut-on parler de tout et partout en tant que fonctionnaire ?

À l’approche des échéances électorales d’octobre 2024, on peut s’étonner de constater que des fonctionnaires communaux se sont portés candidats sur des listes politiques. Il n’est pas rare non plus, comme l’évoque, Corentin Nallétamby, dans son article (consultable via ce lien), de constater que certains grades légaux exercent également un mandat de conseiller communal ou d’échevin (voire de bourgmestre) dans leur commune de résidence.

Plus largement, à l’ère des réseaux sociaux, il est courant de lire des posts ou des commentaires provenant d’agents de la fonction publique, qui expriment une opinion, une conviction, tantôt philosophique, politique ou religieuse.

Mais comment concilier ces pratiques avec, d’une part, le principe de neutralité et le devoir de réserve et de loyauté auxquels les fonctionnaires publics sont astreints dans leur fonction et, d’autre part, la liberté d’expression qui est un droit fondamental inscrit à l’article 19 de notre Constitution ?

Le devoir de neutralité et de réserve

Le devoir de neutralité et de réserve du fonctionnaire public est le garant de l’état démocratique qui se doit d’offrir un service équitable à tous les citoyens sans discrimination.

Ces devoirs de réserve et de neutralité se complètent également avec le devoir d’exemplarité. Un fonctionnaire qui applique aux usagers les règles d’un état démocratique, doit adopter une attitude exemplaire, qui garantit la confiance que le citoyen est en droit d’exiger d’un représentant de cet état.

Ainsi, l’arrêté royal du 22 décembre 2000 fixant les principes généraux du statut administratif et pécuniaire des agents de l'état stipule en son article 4 et al. que :

« Les agents remplissent leurs fonctions avec loyauté, conscience et intégrité sous l'autorité de leurs supérieurs hiérarchiques. A cet effet, ils sont tenus de respecter les lois et règlements en vigueur ainsi que les directives parmi lesquelles les règles de conduite concernant la déontologie, de l'autorité dont ils relèvent. (...) Les agents traitent les usagers de leurs services avec compréhension et sans aucune discrimination. Les agents évitent, en dehors de l'exercice de leur fonction, tout comportement qui pourrait ébranler la confiance du public dans leur service. »

Ces mêmes principes se retrouvent dans les statuts administratifs des agents des pouvoirs locaux et dans les règlements de travail et peuvent être constitutifs de sanctions disciplinaires en cas de violation de ces devoirs.

 

La liberté d'expression

La liberté d’expression est un droit fondamental mais ce droit doit être mis en balance avec les devoirs de neutralité et de réserve du fonctionnaire et ne pas nuire à l’employeur public qui est garant de l’état démocratique et égalitaire entre tous ses citoyens.

Si le décret du 19 mai 2023 dit lanceurs d’alerte vient renforcer le droit à la liberté d’expression, et la protection des référents intégrité, celui-ci s’inscrit dans un cadre bien précis de signalement d’une violation ou d’un manquement aux règles de droit au sein d’une autorité locale. Il n’est donc pas question d’assimiler cette liberté à la possibilité de librement et publiquement dénigrer un collègue ou un élu sans fondement.

Par conséquent, tout fonctionnaire public doit faire preuve d’une grande réserve dans l’ expression tant orale qu’écrite de ses convictions personnelles et ce, tant dans l’exercice de sa vie professionnelle que dans ses activités privées.

La liberté d’expression n’est donc pas un droit absolu et doit être encadré par des limites raisonnables et proportionnelles. Ce sont les abus qu’il faut éviter en mesurant ses paroles et sa façon de s’exprimer ( mesure dans les propos et dans la forme ).

Le Conseil d’état rappelle dans son arrêt n°26 du 22 janvier 1986 (arrêt Stevens) que :

« Le fonctionnement efficace d’une administration ne se conçoit pas sans des règles juridiques destinées à maintenir l’ordre et la discipline et qui sont nécessaires pour qu’un service public puisse réaliser la mission qui lui est assignée. Si, parmi ces règles, se trouve un principe général selon lequel il est permis à un agent d’exprimer, de manière raisonnable et pondérée, une critique de l’action administrative, il lui est interdit de porter atteinte à l’autorité et à la réputation de ses collègues et supérieurs, ainsi qu’à la confiance que le public doit avoir dans l’administration. »

 

Le devoir de loyauté

Ainsi, il pourrait donc être considéré comme acceptable qu’un agent communal exprime des convictions politiques en plaçant des affiches électorales sur sa propriété en soutien à un parti, mais la publication de propos discutables sur les élus en place ou sur l’administration pourrait lui valoir une sanction disciplinaire. Au devoir de réserve et de neutralité, vient également s’ajouter le devoir de loyauté.

De plus en plus régulièrement avec les réseaux sociaux, des sanctions disciplinaires sont appliquées vis-à-vis du personnel admnistratif pour défaut de respect des devoirs de réserve, de neutralité et de loyauté. La jurisprudence à ce sujet tend clairement à s’accentuer.

Il convient donc d’être extrêmement prudent dans ses propos et de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler... Il peut être utile, en tant que directeur général, de rappeler ces principes aux agents communaux afin d’éviter toute forme de dérive.

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