DGConnect est une bibliothèque digitale de Vanden Broele

La période de prudence pré-électorale : à vos marques, prêts ? Ne décidez pas trop vite !

Le 13 octobre 2024 auront lieu les élections communales et provinciales et par conséquent le renouvellement des organes communaux et paracommunaux. Les conseils communaux seront installés le premier lundi du mois de décembre qui suit les élections, à savoir le 2 décembre 2024.

Si le Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation en son article L1121-2 a bien prévu une période d’expédition des affaires courantes pour les organes communaux (collège/conseil) qui débute le lendemain des élections jusqu’à l’installation de leurs successeurs, et ce, sans préjudice de l’application de l’article L1122-1 §4, le texte est par contre muet sur l’attitude à adopter quant aux actes et décisions pris avant les élections.

Cependant, lors des derniers scrutins communaux et notamment en 2018[1], une circulaire de la ministre des Pouvoirs locaux avait été publiée quelques mois avant les élections afin de rappeler aux communes et provinces ces notions de prudence pré-électorale. Cette circulaire sera sans doute à nouveau adressée vers le mois de mars 2024 aux responsables des autorités concernées.

Si le principe général de droit qui consacre la continuité du service public est bien connu et considéré comme une des lois essentielles du service public, il n’est pas toujours aisé de déterminer quelles sont les décisions concernées par ce principe dont les contours ont toujours été flous et sources de controverses.

Or, il faut veiller à ce que les actes et décisions pris par les organes sortants soient bien motivés par ce principe et n’entament pas l’autonomie des organes renouvelés.

On peut trouver dans la doctrine et la jurisprudence de nombreuses interprétations du principe de continuité du service public desquelles on peut retenir les notions qui le composent, à savoir la permanence des institutions publiques et la régularité/le fonctionnement du service public[2]. Toute décision qui ne rencontrerait pas strictement ces éléments ne devrait pas être prise par les organes sortants.

Il faut donc se demander pour chaque décision prise par les organes communaux pendant la période de prudence si ces notions de permanence et de régularité existent. Autrement dit, est-ce que telle décision est strictement nécessaire au maintien et au caractère régulier du service public ?

Ainsi, s’il semble évident que le renouvellement du marché public de fournitures administratives arrivé à échéance rencontre le principe de continuité du service public, il en est tout autrement pour certaines décisions, telles que le recrutement de personnel, la réfection d’une voirie, et de manière générale toute décision relative à des projets non essentiels à la continuité de nos missions légales et régaliennes. En effet, dans tous ces cas, la décision peut être parfois indispensable et urgente pour le maintien et la régularité du service (exemple : remplacement d’un agent dont l’absence doit être rapidement compensée pour assurer la continuité du service population/état civil, renouvellement du marché public des assurances) ou non ( création et recrutement d’un nouveau poste de chef de projet ). En ce qui concerne les projets en cours ayant déjà été approuvés et budgétés avant la période de prudence, et qui devraient faire l’objet d’une décision ( attribution de marché, réajustement du budget, etc. ) pendant cette période, il me semble que cela relève bien du principe de la continuité du service public.

Outre ces notions, la question qui se pose est de savoir à partir de quand appliquer ce principe aux décisions de nos organes. Si les circulaires ministérielles avaient précédemment fixé la date à 3 mois avant les élections, il me semble que cette date est quelque peu théorique et qu’il est cependant raisonnable en tant que responsable d’administration d’intégrer et d’appliquer ces notions bien plus tôt et notamment dès l’exercice budgétaire de l’année électorale. Le budget est un acte politique puisqu’il traduit au travers de l’allocation de crédits et de dépenses dans les différentes matières d’intérêt communal, le programme de politique de la majorité communale en place. Celui-ci ayant une vocation annuelle, l’édition 2024 devrait faire l’objet d’une attention particulière dès sa conception et ne prévoir que les budgets nécessaires au fonctionnement du service public et à la clôture des projets en cours de la législature. Cette attention devra être encore plus accrue lors de l’élaboration de la première modification budgétaire. En effet, en fonction du moment où cette première modification budgétaire intervient, généralement après l’approbation des comptes (mai/juin), et compte tenu des délais de tutelle, la mise en application de cette modification budgétaire sera soumise aux principes qui régissent la période de prudence. S’il s’agit d’adapter certains articles budgétaires existants à la hausse pour compenser une augmentation des prix, les notions de permanence et de régularité sont rencontrées, mais s’il s’agit d’ajouter un article non budgété à l’initial, non indispensable, et non urgent,  la question mérite attention et réflexion…

Il ne s’agit pas de paralyser l’action publique locale un an avant les élections mais bien de veiller à pouvoir la poursuivre efficacement en prenant en considération dès à présent l’application de cette période de prudence pré-électorale et ainsi éviter toute remise en question ultérieure de la légitimité des décisions.

 

[1] Circulaire de la ministre des Pouvoirs Locaux, du Logement et des infrastructures sportives du 5 mars 2018.

[2]P-O DE BROUX, La continuité du service public : l’étonnante destinée d’un principe élémentaire, Journal des Tribunaux, 2014, p.640-642.

 

Partager cette actualité sur LinkedIn
Partager cette actualité sur Facebook
Partager cette actualité sur Twitter
Envoyer cette actualité par e-mail

En savoir plus dans DGConnect

Toutes nos actualités dans votre boîte mail ?

Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter et restez informé(e) de l'actualité pertinente, des nouvelles réglementations, des formations à ne pas manquer, etc.