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Les conseils et collèges communaux hybrides : autorisés, ou non (ou peut-être) ?

La pandémie de Covid a été la source de nombreux sentiments, découvertes ou redécouvertes, et innovations. Source de stress et de colère, de fraternité et d’espoir porté par la collectivité. Source de découvertes ou de redécouverte des joies du consommer local, de l’autoconsommation ou de la marche à pied. Source de créativité incomparable pour inventer les nouvelles règles du vivre ensemble, pour contourner ces mêmes règles, et pour gouverner – au sens large du terme, et à tous les niveaux de pouvoir.

C’est ainsi qu’est apparue la visioconférence (ou vidéoconférence). Par sur un plan purement technologique (même si cette pandémie aura permis non seulement son déploiement à l’échelle mondiale, mais également son développement et l’amélioration incessante des possibilités techniques proposées), mais bien sur un plan davantage sociologique, une grande majorité de la population découvrant ainsi son existence – et son intérêt.

L’idée n’est pas de refaire ici le parcours historique de l’introduction de la visioconférence dans la tenue des réunions des instances communales, mais plutôt d’évoquer la situation telle qu’elle se présente aux villes et communes wallonnes sur un plan juridique, aujourd’hui, en 2024. Sans savoir ce que pourrait nous réserver la nouvelle mandature régionale qui débute à l’heure d’écrire ces lignes.

La règle : le CDLD et la circulaire ministérielle du 30 septembre 2021

Le siège de la question se retrouve, bien entendu, dans le CDLD, mais également dans la circulaire du 30 septembre 2021 du ministre des pouvoirs locaux relative à l’application des décrets du 15 juillet 2021 modifiant le Code de la Démocratie locale et de la Décentralisation ainsi que la Loi organique des CPAS en vue de permettre les réunions à distance.

L’article L1123-20 indique tout d’abord que :

« Le Collège communal se réunit aux jours et heures fixés par le règlement et aussi souvent que l'exige la prompte expédition des affaires. Le Collège communal peut uniquement délibérer si plus de la moitié de ses membres en fonction sont présents physiquement ou à distance ».

Cet article introduit donc la possibilité, pour le Collège communal (et uniquement pour lui à ce stade), de tenir ses réunions à distance. Mais l'article L1123-20 renvoie aussi et surtout aux articles L6511-1 à L6511-3, qui vont non seulement permettre au Conseil communal, lui aussi, d’organiser ses réunions à distance sous certaines conditions, mais également encadrer le recours à ce mode organisationnel.

 

Article L6511-1

Dans ce dernier, sont définis les concepts de réunion à distance, mais surtout ceux de situation extraordinaire et de situation ordinaire.

  • Situation extraordinaire : la situation dans laquelle la phase communale, provinciale ou fédérale est respectivement déclenchée par l’autorité compétente, conformément à la réglementation en vigueur [1] ;
  • Situation ordinaire : la situation qui vise tous les autres cas. 

L'article se conclut par un rappel des fondements démocratiques consacrés par le CDLD, tels que respect de la publicité des débats, délibération ou encore garantie du droit d’interpellation.

 

Article L6511-2

Ce dernier se consacre (pour ce qui nous intéresse [2]) au conseil communal. Si la règle doit rester la tenue de ses séances sur le mode présentiel, physique (et ce tant en situation ordinaire qu’extraordinaire), il est toutefois autorisé de tenir ces mêmes séances à distance en situation extraordinaire. Des conditions sont néanmoins imposées :

  • le règlement d’ordre intérieur doit en fixer les conditions et les modalités (et donc prévoir explicitement et préalablement cette possibilité) ;
  • le procès-verbal devra explicitement mentionner le fait que la réunion s’est tenue à distance ;
  • et cette occurrence devra être répercutée dans le rapport annuel de rémunération.

Des exclusions à cette possibilité sont également prévues. Ne peuvent être évoqués à l’occasion d’une séance du conseil communal organisée à distance  les points relatifs :

  • à la situation disciplinaire d’un ou plusieurs membres du personnel ;
  • aux dossiers nécessitant l’audition de personnes extérieures dans le cadre d’un contentieux ne pouvant faire l’objet d’une discussion ou d’un vote. 

Toutefois, il peut être dérogé à cette interdiction si le conseil communal est tenu de respecter un délai de rigueur.

 

Article L6511-3

Cet article se consacre au collège communal. Il débute par un rappel identique à celui évoqué par l’article précédent : la règle reste la tenue des séances collégiales sur le mode présentiel, tant en situation ordinaire qu’extraordinaire.

Toutefois, en situation ordinaire, le législateur laisse une plus grande mansuétude aux communes pour organiser ces séances sur un mode distanciel, maximum 20% de celles-ci pouvant ainsi être organisées de cette manière sans davantage de justification. 

L’obligation de prévoir cette possibilité au ROI, et de répercuter cette information dans le PV de la séance ainsi que dans le rapport de rémunération, demeure. Et tout comme pour le conseil communal, une situation qualifiée d’extraordinaire permettra au collège communal d’organiser ses séances sur un mode distanciel, tout en respectant les mêmes conditions qu’évoquées ci-dessus (ROI, procès-verbal, rapport de rémunération). 

L'article précise également que les points suivants sont exclus de tout vote ou discussion, sauf si un délai de rigueur doit être respecté par l’autorité, et ce tant en situation ordinaire qu’extraordinaire :

  • ceux relatifs à la situation disciplinaire d’un ou plusieurs membres du personnel ;
  • ceux relatifs aux dossiers nécessitant l’audition de personnes extérieures dans le cadre d’un contentieux.

Par contre, et c’est une particularité qui ne cible que ces documents directeurs de nos communes, les discussions et votes relatifs aux budgets et comptes ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de discussions ou de votes à l’occasion d’une séance à distance.

Enfin, il est précisé que cet article trouvera à s’appliquer aux réunions de concertation commune-CPAS.

 

L'interprétation de la règle : quid du caractère potentiellement hybride des séances ?

Que ce soit dans le CDLD ou à travers la circulaire du 30 septembre 2021, force est de constater qu’une modalité potentielle a été oubliée (volontairement ou non ; à tort, ou à raison…) : celle qui permettrait d’organiser les séances du conseil ou du collège communal sur un mode hybride, à savoir des séances au cours desquelles certains mandataires seraient présents physiquement, tandis que d’autres y participeraient à distance. 

Admettons que si, du point de vue d’un directeur général, cette manière de procéder s’envisagerait relativement difficilement pour une séance du conseil communal (ne fut-ce que pour des questions de « gestion » et de parfaite compréhension des interventions et votes de chaque mandataire), l’évoquer pour la tenue des séances du collège communal mérite à tout le moins débat.

Interrogée à ce propos après la parution de la circulaire ministérielle, l’UVCW avait répondu laconiquement mais avec une certaine justesse, que faute d’exister (dans le décret), cette option n’existait pas, et n’était dès lors pas envisageable

À la même époque, une lecture plus nuancée de cette interdiction a été donnée officieusement par un observateur particulièrement bien placé des pouvoirs locaux. Nous pourrions la résumer comme suit, en quatre volets [3]:

Point de départ : la tenue d’une séance mixte, hybride, n’est pas admise – quelle que soit la raison évoquée. 

Toutefois, si tous les membres du collège communal se connectent en visioconférence, les uns réunis dans la salle du collège, l’échevin - en incapacité de déplacement - à partir de chez lui, les conditions sont réunies pour pouvoir considérer que la séance se tient à distance.

Ce, alors que tous les membres du collège communal, sauf un, sont réunis dans la même pièce, au même titre que le directeur général, et peuvent discuter de vive voix des points de l’ordre du jour. À partir du moment où la réunion est considérée comme étant en visioconférence, il n’y a plus aucune obligation d’être dans le même local. 

Seul bémol : l’obligation de respecter le seuil maximal de 20% de séances à distance lorsque l’on se trouve en situation ordinaire. Et, bien entendu, les conditions à respecter à l’égard du ROI., du procès-verbal et du rapport de rémunération.

Ce qui n’est pas expressément permis doit-il être considéré comme interdit ? Ce qui n’est pas interdit, est-il pour autant permis ? Comme peut-être trop souvent, à ne pas vouloir oser l’interdiction formelle, le législateur wallon a préféré laisser aux pouvoirs locaux ce que les positifs considéreront comme une marge de manœuvre, et ce que les esprits plus acerbes qualifieront de zone d’ombre.

 


[1] À cet égard, l’arrêté royal du 22 mai 2019 relatif à la planification d’urgence et la gestion de situations d’urgence à l’échelon communal et provincial et au rôle des bourgmestres et des gouverneurs de province en cas d’événements et de situations de crise nécessitant une coordination ou une gestion à l’échelon national, définit la situation d’urgence à son article 1er, 3°, à savoir « tout événement qui entraîne ou qui est susceptible d'entraîner des conséquences dommageables pour la vie sociale, comme un trouble grave de la sécurité publique, une menace grave contre la vie ou la santé des personnes et/ou contre des intérêts matériels importants, et qui nécessite la coordination des acteurs compétents, en ce compris les disciplines, afin de faire disparaître la menace ou de limiter les conséquences néfastes de l'événement ».

[2] D’autres instances étant évoquées telles que l’AG d’une intercommunale et le conseil provincial, instances sur lesquelles nous ne nous attarderons pas ici.

[3] Par facilité, nous prenons l’exemple d’une séance du collège communal dont l’un des membres ne peut se déplacer pour raisons de santé.

 

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